Que dit la jurisprudence sur le délit de marchandage ?
Bien que défini par la loi, le délit de marchandage demeure une notion largement jurisprudentielle. La jurisprudence permet de donner une indication fiable sur les contextes les plus risqués, et renseigne sur les points de vigilances à adopter afin d’anticiper tout litige. Les illustrations sont nombreuses, et révèlent comment les juges appliquent les textes de loi au regard des faits.
Ainsi, les juges ont tendance à retenir assez facilement la caractérisation du délit de marchandage dès lors que deux éléments sont réunis :
- le fait matériel de l’opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre
- le fait dommageable qui résulte soit d’un préjudice causé aux salariés, soit de la non-application des dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.
A titre d’exemple, lorsqu’une entreprise recourt au prêt de main-d’œuvre afin de contourner volontairement les dispositions légales ou conventionnelles, le délit de marchandage est aisément constitué.
Ce fut notamment le cas d’une entreprise utilisatrice ayant eu recours à une convention de prêt de main d’œuvre afin d’éluder un effet de seuil entraînant la mise en place d’une représentation du personnel et l’obligeant à appliquer les dispositions légales relatives à cette mise en place des institutions représentatives du personnel (Cass. crim., 10 févr. 1998, n° 97-81.195).
Également, les juges considèrent qu‘un salarié mis à disposition d’une entreprise doit bénéficier des mêmes avantages que les autres salariés de l’entreprise. Le délit de marchandage est caractérisé dès l’instant que les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents (Cass. crim., 20 oct. 1992, n° 91-86.835).
De même, le délit de marchandage est constitué dès lors que la sous-traitance a pour effet de priver le salarié des garanties contre le licenciement, de lui retirer de l’ancienneté ou de le payer au-dessous des salaires minima de la convention collective de l’entreprise utilisatrice (Cass. crim., 25 avr. 1989, n°88-84.222; Cass.crim,25avr.1989, n° 87-81.212).
Enfin, le lien de subordination et le pouvoir de direction appartiennent à l’entreprise prestataire et jamais à l’entreprise utilisatrice. La jurisprudence est venue rappeler que lorsque le client exerce une certaine autorité sur les salariés du prestataire (directives données au salarié, contrôle des horaires de travail etc) le délit de marchandage est constitué (Cass. crim., 3 mai 1994, n° 93-83.104 ; Cass. crim., 22 oct. 1996, n° 96-80.194).
Le délit de marchandage est une infraction à prendre au sérieux car sa réalisation est parfois involontaire en raison des nombreuses contraintes à respecter. Toutefois les sanctions demeurent lourdes et peuvent être pénales, civiles et administratives.
Rappelons que les principales sanctions pénales sont :
- Deux ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ou 10 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
- Interdiction de sous-traiter de la main d’œuvre pour une durée allant de deux à dix ans
- L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, aux frais de la personne condamnée, dans les conditions fixées par l’article 131-35 du Code pénal (et article L. 8234-1 Code du travail)