Que dit la jurisprudence sur le prêt de main-d’œuvre illicite ?
La jurisprudence nous révèle comment le juge vérifie la licéité d’un prêt de main-d’œuvre.
Depuis 1985, la Cour de cassation rappelle que la qualification du prêt de main d’œuvre requiert le rassemblement de plusieurs éléments (Cass. crim., 29 oct. 1985). C’est pourquoi le juge utilise la méthode du faisceau d’indices en se focalisant sur les 4 éléments suivants :
- l’objet du contrat
- l’origine de la fourniture du matériel de travail
- l’identification du pouvoir de direction
- la rémunération
L’objet du contrat
La prestation de main-d’œuvre est autorisée si elle est accompagnée d’une autre prestation. Par conséquent, les juges vérifieront quelle est la nature de la tâche à accomplir. Cela signifie que si une entreprise a recours à une autre entreprise alors qu’elle dispose des moyens d’accomplir la tâche elle-même, le prêt de main-d’œuvre est très certainement illicite.
A titre d’exemple, la mise à disposition d’hôtesses d’accueil pour des salons, n’étant accompagnée d’aucune prestation de la société prêteuse est constitutif de prêt de main d’œuvre illicite (Cass. crim., 28 janv. 1997, no 96-80.727).
L’origine de la fourniture du matériel de travail
L’utilisation d’un matériel propre à l’entreprise prêteuse est un indice évident d’un prêt de main-d’œuvre licite.
Par exemple, la fourniture à un client d’un véhicule avec chauffeur constitue une prestation de services parfaitement licite et non pas un prêt de main-d’œuvre prohibé (CA Metz, 11 avr. 1989).
En revanche, le fait de travailler avec le matériel et les matériaux du donneur d’ordre est révélateur de prêt de main-d’œuvre illicite et non d’une prestation de services (Cass. crim., 25 avr. 1989, no 88-84.255).
L’identification du pouvoir de direction
Le prêt de main-d’œuvre est qualifié d’illicite dès lors qu’est constaté un transfert du lien de subordination entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice (Cass. crim., 25 avr. 1989, no 87-81.212).
En effet, le pouvoir de direction doit être maintenue dans l’entreprise initiale prêteuse car le prestataire doit conserver l’autorité sur son personnel et exercer un contrôle sur la réalisation du travail (Cass. crim., 21 janv. 1986, no 84-95.529).
La rémunération
Le mode de rémunération est très important pour échapper à l’infraction du prêt de main d’œuvre illicite. Lorsque le prix de la prestation est basé sur un taux horaire, le juge considère que les doutes sont suffisants pour caractériser l’infraction du prêt de main-d’œuvre illicite, puisque cela suppose que seule une fourniture de main d’œuvre est rémunérée (Cass crim 25 avril 1989, n° 88-84.222 et Cass crim 16 mai 2000, n° 99-85.485).
La solution est donc de rémunérer forfaitairement le service rendu.
Le prêt de main-d’œuvre illicite et le délit de marchandage se retrouvent sur une définition commune qui est le prêt de main-d’œuvre à but lucratif.
Afin d’échapper à tout risque, l’entreprise prêteuse doit veiller à ce que le besoin de compétence spécifique soit bien réel et qu’elle fournisse le matériel nécessaire à la réalisation du service tout en conservant un pouvoir de contrôle sur les salariés prêtés. Enfin, la vigilance est de mise quant au mode de rémunération qui sera forfaitaire par opposition à une rémunération horaire.
Rappelons que les risques de commission de l’infraction sont totalement anéantis lorsqu’une entreprise a recours à une entreprise de portage salarial puisque cette dernière est autorisée par la loi à la mise à disposition de salariés, dont la licéité est reconnue dans tous les cas.