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Covid-19 et contrats : la force majeure peut-elle être facilement invoquée pour rompre une relation contractuelle ?

Vous le savez, l’épidémie à laquelle nous faisons face génère des conséquences économiques importantes pour beaucoup d’entreprises. Plusieurs d’entre elles, prises dans le tourbillon du ralentissement économique, ont rapidement invoqué le cas de force majeure dû au coronavirus espérant annuler les contrats commerciaux en cours.

Bien que Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, ait confirmé le 29 février 2020 que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, notamment dans les marchés publics de l’Etat, cela ne signifie pas que l’épidémie soit un cas de force majeure dans toutes les relations contractuelles. Alors, quels sont les droits des contractants dans le cadre des contrats civils et commerciaux ?

Retour sur le cadre légal de la force majeure et les conditions de sa caractérisation.

Que disent la loi et la jurisprudence sur la force majeure ?

“ Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. ” (article 1218 Code civil).

En résumé, la force majeure est un évènement qui se caractérise d’une part par son imprévisibilité au moment de la conclusion du contrat et d’autre part, par son irrésistibilité c’est-à-dire que l’événement est inévitable et insurmontable.

Si nous appliquons ces critères aux circonstances actuelles, il semble que l’épidémie ne puisse être un cas de force majeure si le contrat a été conclu début 2020 puisque le Covid-19 était connu et n’était donc pas imprévisible.

Les parties au contrat devront donc vérifier dans un premier temps si la force majeure est bien prévue au contrat et dans un deuxième temps comment elle est définie.

La question du caractère de force majeure d’une épidémie s’étant déjà posée auparavant dans les cas des maladies telles que, les épidémies de grippe H1N1, le virus de la dengue ou encore celui du chikungunya ; nous savons que les juges n’ont pas considéré ces crises sanitaires comme des cas de force majeure (Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229 ; Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003 ; Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739).

La jurisprudence montre donc qu’il n’est pas certain qu’une épidémie soit constitutive d’un cas de force majeure toutefois l’appréciation définitive reviendra au juge qui tiendra compte en cas de litige, d’autres éléments tels que la virulence du virus et le degré d’empêchement absolu à avoir recours à d’autres mesures appropriées pour honorer l’exécution du contrat.

La clause d’imprévision au secours des parties

Afin de préserver au mieux les relations contractuelles, le recours à une clause d’imprévision lorsqu’elle est prévue au contrat, est une alternative intéressante pour les parties.

L’article 1195 du Code civil prévoit en effet que “ si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.(…) ” 

En d’autres termes, une clause d’imprévision permettrait d’invoquer un changement de circonstances imprévisibles au moment de la signature du contrat ce qui entraînerait une renégociation entre les parties afin de s’adapter à la nouvelle situation économique de chacune d’entre elles.

La conclusion de nouveaux contrats pendant le Covid-19 grâce à la clause de force majeure 

En dépit d’un contexte économique incertain, il n’est pas exclu de conclure de nouveaux contrats commerciaux durant cette période de crise sanitaire.

Dans cette perspective, la rédaction des contrats commerciaux incluant la clause de force majeure est une solution afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour les relations contractuelles futures. L’avantage est que l’épidémie désormais  connue pourra faire l’objet d’une clause détaillée dans les contrats commerciaux ce qui sécurisera les parties.

En vertu de la liberté contractuelle évoquée à l’article 1102 Code civil, les parties sont libres de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi sans porter atteinte à l’ordre public. La précision de la rédaction de la clause de force majeure revient donc aux parties.

Concrètement, la clause de force majeure des contrats peut prévoir :

  • les divers domaines de cas de force majeure : climatique, sanitaire, militaire, politique, informatique etc ;
  • une liste d’exemples illustratifs (non-exhaustive) de cas de force majeure tels que l’épidémie, tremblements de terre, grève générale etc ;
  • les conséquences financières relatives aux prestations déjà rendues.
  • les conditions de formes pour se prévaloir de la clause :
    • notification à l’autre partie du désir de se prévaloir de la clause
    • motiver les raisons qui empêchent l’exécution normale du contrat
    • fournir les justificatifs prouvant l’existence de la force majeure (décisions d’une autorité administrative etc).

Il faut garder à l’esprit que l’article 1218 du Code civil précise que la force majeure lorsqu’elle est constituée, suspend l’exécution du contrat sans faire disparaître l’obligation d’exécuter : ”Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat “.

 Il en découle que les obligations contractuelles neutralisées par la crise sanitaire doivent être reportées le temps nécessaire mais devront être réalisées ultérieurement. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité absolue que le contrat peut être résolu de façon définitive.

Textes de référence :

  • article 1195 du Code civil
  • article 1218 du Code civil
  • article 1102 Code civil
  • Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229 ;
  • Nancy , 22 nov. 2010, n° 09/00003 ;
  • Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739

17 ans de marketing dans le secteur des services et des prestations intellectuelles. Passionné par la transformation sociétale en cours qui impacte la relation entre les talents et les entreprises : en route vers l’Open Talents !

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