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Interview Timothée Saumet : ZERO BULLSHIT AUTOUR DE L’IMPACT !

Timothée Saumet nous fait part de sa prise de conscience qui a complètement fait évoluer sa pensée.

Julie Huguet : Aujourd’hui, je suis ravie d’être en compagnie de Timothée Saumet, co-fondateur et CEO de Tilkee, mais aussi pilote de la commission impact sociétal et environnemental French Tech Lyon-Saint-Etienne. Tu es un pur produit de la start-up nation. Tu as aussi eu une prise de conscience qui a complètement fait évoluer ta pensée. J’aimerais que tu nous parles de cela.

Timothée Saumet :  Effectivement, depuis deux ou trois ans, j’ai eu une vraie prise de conscience sur les enjeux sociétaux, écologiques, environnementaux qui m’amène à venir interroger ce phénomène start up et sur les licornes aujourd’hui. Mon point est que le numérique reste un outil. Et attention à utiliser cet outil à bon escient. Une licorne, c’est super si sa raison d’être est positive au niveau environnemental et sociétal. Sinon, vu les enjeux auxquels on doit faire face, c’est de la perte de temps, de capitaux, d’énergie. Ce n’est même pas dommage, c’est à la limite criminel de mettre aujourd’hui des milliards dans des projets qui vont devenir caduques dans deux, trois, cinq ou dix ans et qui ne servent pas à améliorer le vivant.

Julie Huguet : Tu vois beaucoup de projets passer au travers de la French Tech. Qu’est-ce que tu conseilles à tous ces entrepreneurs qui se lancent, qui veulent lever des fonds ?

Timothée Saumet :  Il y a une partie d’évangélisation. Ce que je viens de dire n’est pas encore naturel. J’essaie d’expliquer de quoi on parle, à quoi on est en train de faire face.

Ensuite, assez rapidement, je les interroge sur la raison d’être de leur projet. Si le projet entrepreneurial permet d’améliorer le vivant, effectivement, c’est super et je les encourage. Si le projet n’a pas cet objectif-là, alors je les encourage à s’interroger fortement.

C’est ce qu’on essaie de faire dans la commission aussi, parce que cette prise de conscience prend du temps. On va inviter nos pairs, par exemple, à identifier au sein de leur entreprise quelqu’un qui est déjà garant de ces sujets-là, un Chief Impact Officer. C’est déjà un tout premier pas pour des gens qui ne sont pas encore totalement convaincus : nommer quelqu’un qui a voix au chapitre pour qu’ils puissent s’assurer que le projet d’entreprise aille dans le bon sens.

Julie Huguet : Effectivement, ce sont des étapes.

Est-ce que tu penses qu’il faut aller plus loin, c’est à dire ne pas investir dans des business qui vont avoir un impact négatif ou même ne serait-ce qu’un impact neutre sur notre environnement ?

Timothée Saumet :  Absolument. Et d’ailleurs, les assureurs, par exemple, ont complètement orienté leurs positions. Un monde à deux degrés de plus n’est pas assurable. L’ensemble des assureurs sont maintenant d’accord sur ce sujet-là. Ils ont une bonne majorité des capitaux, donc ils axent leur stratégie sur des projets qui vont être résilients.

C’est ça le vrai sujet : un business qui ne prend pas en compte les enjeux écologiques et sociétaux à venir dans les quinze prochaines années va disparaître.

Donc, bien sûr, la question du financement se pose et on doit financer des projets qui, encore une fois, permettent de favoriser le vivant.
Comme toute prise de conscience, comme tout changement systémique, ça prend du temps et c’est logique que cela prenne un peu de temps. On va dans le bon sens. On voit qu’il y a de plus en plus de fonds qui se tournent exclusivement sur ces sujets-là. Le ventre mou des fonds d’investissement aussi s’est saisi de ce sujet parce qu’il y a des législations qui leur imposent de le faire, mais aussi parce qu’ils ont compris qu’il y a un vrai sujet de résilience.

Julie Huguet : Si on veut changer son monde ou changer les entreprises, on peut aussi commencer à se changer soi-même.

Finalement, qu’est-ce que tu as fait, toi, pour te mettre en accord avec tes convictions ?

Timothée Saumet :  Après une phase de montée en compétence et de compréhension du problème, j’ai identifié les endroits dans lesquels j’avais le plus d’émissions carbone. C’est quand même indicateur. Et où j’avais le meilleur ROI.

Des exemples très concrets. J’ai enlevé mon épargne de ma banque classique, qui finance des projets qui ne vont pas dans le bon sens, pour les mettre dans des banques qui financent des projets solidaires, environnementaux.

Ça, c’est le premier point. C’est très facile. Tout le monde peut le faire. Ça prend de cinq à dix minutes en ligne. La Nef, le Crédit Coopératif sont bien notés par tout le monde.

Deuxième point : j’ai pris un certain nombre d’engagements vis à vis de moi-même, vis à vis de mes proches et vis à vis du reste du monde parce que je les publie. Limiter mes déplacements, en particulier en avion. Limiter ma consommation de viande. Limiter à 10 le nombre d’objets neufs que j’achète : ça fait deux ans et ça marche très bien.

Et très récemment, je me suis aussi engagé à limiter mon salaire. Pourquoi ? Il y a deux sujets.

Un sujet écologique : si on ferme un petit peu le robinet, je serai moins tenté de consommer. Et puis il y a aussi un sujet de justice sociale. Pour moi, avec la crise qu’on a tous connue, on a vu les riches s’enrichir, les pauvres s’appauvrir, on va vers un monde avec de plus en plus de tensions, d’inégalités de plus en plus impossibles à tenir.

Pour moi, c’est important que l’on reste dans les choses logiques, cohérentes, rationnelles, de bon père de famille, de bon sens paysan. Donc je me suis limité à quatre smic, ce qui est déjà, largement au-dessus du revenu médian français, avec pour objectif de diminuer au fur et à mesure sur les cinq prochaines années.

Julie Huguet : C’est un choix courageux. Tu penses que c’est quelque chose que les gens font beaucoup? Je parle de tous les choix, pas forcément celui du salaire.

Timothée Saumet :  Les premiers choix, c’est quelque chose qu’on va retrouver assez souvent. Mais il y a un vrai sujet, justement, de changement de culture, si on a des critères de réussite de l’ancien monde liés au fric, aux signes extérieurs de richesse. Aujourd’hui, quels sont nos critères de réussite ? Quel impact positif puis-je mener ? Et quels signes extérieurs d’impact?

Julie Huguet : Et servir de rôle modèle. Finalement, l’entrepreneur à succès d’avant n’est plus celui d’aujourd’hui. Quand tu en parles ouvertement sur les réseaux, quelles sont les réactions ? Ce rôle modèle-là est-il utile ?

Timothée Saumet :  Je le vois clairement. Par exemple, sur les objets neufs, ça a été un vrai sujet. On m’en parle dans mon entourage et de façon plus large, j’ai un certain nombre de personnes qui me recontacte en me disant « maintenant, je le fais. Effectivement, ça marche très bien et je n’ai pas de frustration ».

Julie Huguet : Une dernière question sur ton actu. Quelles sont les prochaines étapes pour toi ?

Timothée Saumet :  L’un des derniers points que je suis en train de mettre en place pour être totalement en phase avec tout ce que je viens de dire est d’avoir une activité professionnelle qui me permette d’avoir une action et un impact environnemental et sociétal très positif.

Dans ce cadre-là, je suis en train de céder mon entreprise pour pouvoir passer sur un autre projet qui aura encore plus d’impact.

Julie Huguet est entrepreneure et présidente d’une capitale French Tech. Passionnée de tous les sujets liés à la transformation, l’innovation ou plus généralement à la tech.

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