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Formation des jeunes : Si on changeait de modèle ? avec Yasmine KATRIB

Interview Yasmine Katrib par Julie Huguet

Julie Huguet : Aujourd’hui, nous accueillons Yasmine Katrib fondatrice de Fast Lane Education pour nous parler de soft skills, ces fameuses compétences interpersonnelles comme l’intelligence émotionnelle, l’adaptabilité, l’intelligence relationnelle, l’empathie. Ce sont des compétences qu’on n’apprend pas sur les bancs de l’école et pourtant, c’est bien souvent sur ces compétences que les entreprises vont miser au moment du recrutement, bien plus finalement que sur le savoir-faire professionnel.

Yasmine, pourquoi as-tu voulu lancer un projet sur cet enjeu de formation aux soft skills ? Quel a été ton déclic ?

Yasmine Katrib : On a monté Fast Lane Education il y a maintenant trois ans et la raison est personnelle. En fait, à l’origine, mes enfants ont démarré leur scolarité en France. Une scolarité très théorique, excellente d’un point de vue académique. Puis on est allé vivre en Amérique du Nord où là-bas, les soft skills sont très développées dans le cursus scolaire. J’ai vu l’effet sur mes propres enfants, le fait de pouvoir prendre la parole, travailler en groupe, développer la confiance en soi, la créativité. Et c’est là qu’est venue l’idée. On va prendre le meilleur des deux mondes, le côté académique français, excellent, auquel on va associer les skills pour vraiment préparer les jeunes pour demain.

Julie Huguet : C’est vrai qu’on a tous l’image de l’étudiant américain devant une assemblée scolaire au moment de la remise des diplômes qui sort des discours incroyables…

YK : Les Français ont beaucoup de mal à prendre la parole et surtout, il y a un chiffre qui est clair. Il y a au moins 60% des jeunes qui vont exercer un métier qui n’existe pas encore, donc il est important qu’ils travaillent sur eux-mêmes, qu’ils développent cette confiance, cette créativité, cette capacité à travailler en groupe.

Julie Huguet : On le voit au quotidien. On a beaucoup d’indépendants qui exercent déjà plusieurs métiers ou qui changent régulièrement de métier. Si on ne trouve pas de solution pour accompagner les enfants dès le plus jeune âge à développer leurs soft skills, et puis même les adultes plus tard, quel est le risque ?

Yasmine Katrib : C’est vraiment l’employabilité au bout d’un moment. Le système français est très théorique et donc très, très élitiste. Il y avait 100 000 décrocheurs avant la Covid. Ça a au moins doublé depuis. Le problème est que les jeunes perdent confiance. Ils sortent du système scolaire. Et ça, pour la société, c’est terrible. L’éducation est la base de la société. L’idée, en fait, est vraiment qu’ils deviennent acteurs de leur futur.

Julie Huguet : Du coup, quelle est ta réponse ?

Yasmine Katrib : Fast Lane Education est une maison d’édition numérique. L’idée est de développer des outils pédagogiques qui s’intègrent au cours, des projets clefs en main pour les enseignants. L’enseignant reste au centre du processus. Le premier produit qui s’appelle Start Lab a été développé avec La Sorbonne Entrepreneurs. C’est un produit qui s’intègre très bien au cours de SES au lycée, mais également pour la mise en place du chef d’œuvre en lycée professionnel. Les jeunes vont travailler en petits groupes sur le projet de leur choix. Ils vont étudier les concurrents, le marché, faire un outil de com, etc… jusqu’à pitcher leur projet. Et donc cela intègre toutes les soft skills : travailler en groupe, présenter à l’oral, l’empathie, etc.

Julie Huguet : ça s’adresse à qui exactement?

Yasmine Katrib : Ça démarre au collège. Ça a été utilisé notamment pendant la COVID pour remplacer le stage d’observation en troisième. Et ça s’intègre aussi très bien en cours de SES, en seconde, pour la mise en place du chef d’œuvre, et de plus en plus en fil rouge dans la formation professionnelle.

Julie Huguet : Et aujourd’hui, c’est déployé sur combien d’élèves?

Yasmine Katrib : Nous sommes déjà sur plusieurs milliers d’élèves. On est lauréat d’un appel à projets en région Île de France, on est également labellisé ID dans les Hauts de France, qui est un projet soutenu par l’Europe pour développer l’esprit d’initiative et entrepreneurial des jeunes.

Julie Huguet : Quelles sont tes prochaines étapes, tes prochaines envies ou challenges du moment?

Yasmine Katrib : On a donc ce premier produit, Start Lab, qui marche vraiment très bien en France. On est également bien présents à l’étranger, dans le réseau des lycées français. On est en train de travailler sur un deuxième produit qui va sortir au printemps 2022.

L’idée est vraiment de donner des outils aux enseignants pour pouvoir apprendre différemment. On ne veut pas changer le système éducatif français. Nous souhaitons juste donner des outils aux enseignants pour dynamiser la classe, pour apprendre par le faire, pour apprendre en groupe.

C’est la meilleure manière pour le jeune d’apprendre et de retenir.

Julie Huguet : Justement, je vais rebondir sur quelque chose que tu m’as dite avant cette interview, et qui est essentiel. Finalement, c’est une nouvelle méthodologie et ces soft skills qu’on apprend au plus jeune âge vont évidemment être utiles en entreprise plus tard, mais elles servent également à mieux retenir, à mieux comprendre les matières plus classiques comme les maths, le français, etc. Tu me disais qu’il y avait de très bons résultats dans certains pays qui l’appliquent déjà.

Yasmine Katrib : Tout à fait. Il y a certains pays, notamment en Europe du Nord, qui sont vraiment à la pointe à ce niveau-là. Pas besoin de réinventer les choses, mais vraiment apprendre le faire, c’est le meilleur moyen de retenir.

Julie Huguet : Une dernière question : tu as créé Fast Lane Education pour répondre à un vrai besoin qui, au départ, était ton besoin personnel, mais tu as aussi vu plus collectif : on ne peut pas laisser ces 250 000 jeunes sur le carreau. On ne peut pas non plus voir ce chiffre évoluer constamment. Alors si, demain, on te dit que tu as réussi ta mission, quel serait pour toi l’indicateur ? A quoi ressemblerait l’éduction ?

Yasmine Katrib : Ce serait introduire des nouvelles pédagogies dans le système éducatif français, donc permettre aux jeunes de vraiment s’orienter, de choisir sa voie. Et puis ce serait de valoriser la voie professionnelle. Les lycées sont extraordinaires. On a appris à connaître les proviseurs et les enseignants. Ils sont extrêmement motivés, dédiés à leur cause. Ce serait bien de mettre en avant toute cette filière de formation.

Julie Huguet est entrepreneure et présidente d’une capitale French Tech. Passionnée de tous les sujets liés à la transformation, l’innovation ou plus généralement à la tech.

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