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Quel modèle d’entreprise pour agir face à l’urgence climatique ? avec Fabrice Bonnifet

Selon les chiffres publiés dans le rapport du GIEC, il resterait 400 Gigatonnes de CO2 à émettre pour rester sous l’objectif des 1,5° de réchauffement climatique fixé pour 2100. Or nous en émettons actuellement 50 Gigatonnes chaque année, ce qui signifie que nous devrions dépasser la limite des 1,5° d’ici 10 ans.

Face à ce constat, l’instauration de nouveaux modèles économiques s’impose pour inverser la tendance et protéger le vivant.

Tel est le point de vue défendu et explicité par Fabrice Bonnifet, directeur du développement durable chez Bouygues, Président du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D) et co-auteur du livre L’entreprise contributive.

Interviewé par freelance.com, Fabrice Bonnifet explique pourquoi ces changements de modèles deviennent inévitables, et comment procéder pour concilier business et développement de la planète.

Une prise de conscience insuffisante pour faire bouger les lignes

« Sans changement radical de modèle, nous devrions atteindre les 1,5° de réchauffement d’ici 10 ans, et un réchauffement moyen de 2,7 à 3,5° à horizon 2100. Conséquences : des dérèglements multiples tels que des incendies, des famines, des zones inhabitables, et, par conséquent, des tensions géo-politiques majeures. »

Pour Fabrice Bonnifet, il est impératif d’inverser immédiatement les modèles pour enrayer la situation.

« Il existe une prise de conscience du problème, mais pas de la gravité de la situation ni de l’urgence d’agir. »

Manque d’information, problème d’éducation, dogme économique dominant basé sur la croissance et la surconsommation et freins culturels sont autant de facteurs qui expliquent cette difficulté à prendre conscience de la réalité du problème.

« On se dit ‘c’est pour demain, c’est pour les autres’, mais il est urgent d’initier de nouveaux modèles de société et de nouveaux modèles économiques basés sur la frugalité et l’humilité. Nous disposons de moins en moins de ressources, et de moins en moins d’énergie ; or nous utilisons l’énergie pour tout aujourd’hui. Nous devons donc apprendre à nous en passer, nous devons apprendre la sobriété. »

Quel rôle l’entreprise doit-elle jouer face aux enjeux de développement durable ?

En quoi l’entreprise est-elle concernée par ce problème, et comment peut-elle agir pour éviter d’accélérer la destruction massive du vivant ? C’est ce qu’explique Fabrice Bonnifet : « Aujourd’hui, l’humanité vit en survitesse par rapport à l’utilisation des ressources disponibles, qui sont par ailleurs indispensables pour le business.

Il est donc nécessaire de ralentir et de reconfigurer les modèles économiques des états, des entreprises, ainsi que les modes de vie des gens sur la planète, pour aller vers plus de frugalité et d’humilité. L’entreprise doit trouver une raison d’être compatible avec les nouveaux modèles et les nouveaux enjeux. »
Si elles existent, les entreprises qui parviennent à concilier le monde des affaires avec les limites planétaires restent minoritaires.

« Il faut s’appuyer sur les entreprises pionnières pour donner envie aux autres, les entreprises basées sur des modèles prédateurs et écocides, de changer. Mais il faut changer d’échelle, et regrouper plus d’organismes, d’entreprises modèles et de leaders pour que les choses bougent. »

Comment changer de modèle ?

Dans son livre L’entreprise contributive, Fabrice Bonnifet détaille une méthode pour adopter ce nouveau modèle d’entreprise.

Au niveau de l’entreprise :

Il s’agit tout d’abord de s’informer : s’approprier les concepts et les chiffres, connaître les 9 limites planétaires et les impacts du réchauffement climatique, identifier des entreprises leaders, questionner la croissance et les modèles économiques pour pouvoir innover.

Deuxième étape : amener les responsables d’entreprise à réfléchir à leur raison d’être, pour mesurer, au-delà des aspects business, les impacts sociétaux et environnementaux de leur activité.

Troisième étape : agir pour évoluer d’un modèle d’affaires linéaire vers un modèle perma-circulaire, moins gourmand en ressources primaires et développé sur le modèle d’une économie de la fonctionnalité plutôt que d’une économie de la propriété.

Comme le souligne Fabrice Bonnifet, « plus on produit, plus on détruit le vivant. Si on base son modèle d’entreprise sur la location plutôt que sur la vente, on augmente le taux d’utilisation du produit, on continue de gagner de l’argent, et on détruit moins le vivant. Il s’agit également d’intégrer une part de renoncement, en arrêtant de produire les produits non indispensables et non compatibles avec l’urgence climatique. »

Au niveau plus global :

La présence de leaders qui portent le discours, expliquent les enjeux sans les travestir ni apporter de fausses solutions, semble essentielle.

Le développement de programmes de formation et de pédagogie (du primaire à l’université), ainsi que l’engagement d’artistes pour relayer le message au plus grand nombre (en capitalisant sur la dimension émotionnelle, qui fédère davantage que les discours rationnels des scientifiques) constituent d’autres leviers d’action qui permettront de rassembler autour d’une cause commune. Et d’instaurer ensemble les nouveaux modèles qui s’imposent au vu de l’urgence climatique.

Pour aller plus loin :

Julie Huguet est entrepreneure et présidente d’une capitale French Tech. Passionnée de tous les sujets liés à la transformation, l’innovation ou plus généralement à la tech.

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