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Que dit la loi sur le soutien d’un partenaire commercial en difficulté financière ?

Les entreprises en difficultés financières ont été nombreuses durant la crise sanitaire de la Covid-19. 

Malgré les différentes aides octroyées par l’Etat, beaucoup d’entreprises ont été soumises aux procédures collectives.

Les procédures collectives visent à aider les entreprises en difficulté à retrouver une situation financière stable par la mise en place d’un plan juridique et financier, piloté par un administrateur, mandataire ou un liquidateur selon les cas.

Les procédures collectives visent donc à apurer les dettes de l’entreprise et à reconstituer progressivement la trésorerie de l’entreprise.

Il existe 3 procédures collectives différentes (sauvegarde judiciaire, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) selon le degré de difficulté de l’entreprise et de la présence ou non d’un état de cessation des paiements.

Durant ce contexte de crise, les entreprises et leurs partenaires commerciaux ont souvent essayé d’entretenir un lien de confiance en favorisant les accords pour éviter les retards de paiements ou encore trouver des accords d’échelonnement.

De même, certaines entreprises ont parfois soutenu leur partenaire commercial en difficulté en lui apportant un soutien financier.

Si ce mouvement de solidarité entre partenaires commerciaux semble légitime, il n’est pas toujours sans risque. La loi et la jurisprudence rappellent en effet que les soutiens financiers apportés à un partenaire commercial en difficulté ne doivent pas contribuer à dissimuler une situation financière grave et ainsi induire en erreur les créanciers et investisseurs. 

Quel est l’état actuel du droit concernant le soutien apporté à un partenaire commercial en difficulté financière ? Faisons le point.

Partenaires commerciaux se soutenant en période de crise financière

Comprendre la notion de “ soutien abusif ” 

Lorsqu’un tiers accorde un soutien financier à une entreprise bénéficiaire, évitant à celle-ci l’état de cessation des paiements, le soutien peut être considéré comme étant abusif.

En effet, rappelons que l’état de cessation des paiements est la situation dans laquelle une entreprise en difficulté se trouve dans “ … l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ” (article L631-1 du Code de commerce).

Aussi, une entreprise à la limite de l’état de cessation des paiements avant de bénéficier d’un soutien financier est considérée comme étant en “survie artificielle” puisque sans le soutien financier elle n’aurait sans doute pas pu continuer. Toutefois, le soutien financier ne permet pas de relever durablement la situation de l’entreprise.

Les tiers susceptibles d’apporter leur soutien financier peuvent être des établissements bancaires, des établissements financiers ou tout autre partenaire privilégié.

Le soutien apporté par ces tiers peut être de différentes natures telles qu’un prêt ou l’abandon de créances dues par exemple.

La jurisprudence qualifie d’ “abusifs” ces soutiens en raison d’une part d’un manque de diligence des tiers n’ayant pas tenu compte du niveau de dégradation financière de l’entreprise bénéficiaire (Cass com 27 mars 2012 n°10-20077), et d’autre part pour les préjudices causés à certains investisseurs ayant contracté avec une entreprise qu’ils pensaient en bonne santé.

En somme, la jurisprudence sanctionne le soutien abusif d’un partenaire en difficulté car il ne permet en aucun cas de redresser la situation financière de l’entreprise durablement et dissimule la réalité économique à l’égard des tiers.

Dans ce sens, un arrêt précise que lorsqu’un tiers est condamné, il doit l’être à la hauteur de l’intégralité de l’insuffisance d’actif qu’il a contribué à créer en permettant une poursuite d’activité “ artificielle ” (com. 27 février 2007, numéro 06 – 13. 149).

Les tiers accordant un soutien financier peuvent donc voir leur responsabilité engagée. 

Voyons plus précisément qui sont ces tiers.

Quels sont les partenaires commerciaux concernés ?

Plusieurs acteurs peuvent apporter leur soutien financier à un partenaire commercial en difficulté et la loi ainsi que la jurisprudence n’appliquent pas la notion de “ soutien abusif ” de la même façon selon le tiers concerné.

La responsabilité des banques 

Les établissements bancaires sont visés par l’interdiction d’accorder un soutien financier à une entreprise dont elles connaissent la grande fragilité de la situation financière.

En accordant des crédits, la banque contribue à une “survie artificielle” de l’entreprise et impacte les tiers amenés à contracter avec l’entreprise dont ils ne perçoivent pas la véritable situation économique.

Bien que les banques puissent voir leur responsabilité engagée, le Code de commerce atténue fortement les conditions engageant la responsabilité des établissements bancaires.

Selon les textes, “Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.” (L 650-1 Code de commerce).

Autrement dit, la banque accordant un prêt à une entreprise en difficulté, n’engage pas forcément sa responsabilité s’il y avait des préjudices causés au tiers sauf pour des cas exceptionnels tels que : la fraude, l’immixtion dans la gestion du débiteur ou si les garanties de ce prêt sont disproportionnées.

S’il n’est pas exclu que les banques engagent leur responsabilité en cas de soutien abusif, les cas sont donc très limités au regard d’une loi apparemment protectrice des établissements bancaires et confirmée par la jurisprudence (Cass com 3 novembre 2015 n°14-10274) et 14-18433 ) ; (Cass com 9 mai 2018 n°17-10965).

La responsabilité des fournisseurs 

L’action en responsabilité pour soutien abusif ne vise pas seulement les banques mais  aussi tous ceux pouvant influencer les tiers à maintenir leur confiance envers l’entreprise qui est condamnée.

Aussi, la jurisprudence a pu appliquer les sanctions relatives au soutien abusif aux fournisseurs d’une société en procédure collective.

En effet, dans un arrêt du 10 janvier 2018, un fournisseur qui avait accordé des facilités de paiement, sous forme de prêt, à un partenaire commercial, a été condamné pour soutien abusif, le prêt accordé dépassant les possibilités de remboursement du débiteur. (Cass com 10 janvier 2018 n°16-10824).

De même, la maison d’édition qui a passé un contrat de diffusion et de distribution avec une entreprise, placée par la suite en liquidation judiciaire, engage sa responsabilité pour soutien abusif pour avoir consenti des délais de paiement et autorisé un paiement par compensation (Cass com, 16 octobre 2012, n° 11–22993).

La responsabilité des associés d’une société  

Le soutien abusif peut aussi être caractérisé lorsqu’il s’agit de l’associé d’une société qui réalise un apport en compte courant au profit de la société en difficulté si cet apport vise à masquer l’état de cessation de paiements de l’entreprise.

La jurisprudence considère dans ce cas qu’il s’agit d’un ” financement anormal ” au regard de la situation financière de la société.

Dans ce sens, un arrêt du 9 septembre 2020 considère que l’apport en compte courant de l’associé d’une start-up en difficulté, peut constituer un soutien abusif et par conséquent un financement anormal s’il est destiné à soutenir artificiellement la trésorerie de l’entreprise et à dissimuler la persistance de son état de cessation des paiements.(Cass.com, 9 septembre 2020, 18-12.444) 

Textes de référence :

  • L 650-1 Code de commerce
  • Cass com 3 novembre 2015 n°14-10274) et 14-18433
  • Cass com 9 mai 2018 n°17-10965
  • Cass com 10 janvier 2018 n°16-10824
  • Cass com, 16 octobre 2012, n° 11–22993
  • Cass.com, 9 septembre 2020, 18-12.444

J’ai à cœur d’accompagner les entreprises dans le succès d’un écosystème de compétences externes, en garantissant le respect réglementaire qui nous est tous imposé. Je m’engage donc à participer à des manifestations qui nous permettrons de construire en co-développement les bonnes pratiques de demain.

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